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2014-07-15T07:33:00+02:00

A la grâce des hommes [extraits]

Publié par MyaRosa

A la grâce des hommes (Burial Rites)

de Hannah Kent

[extraits]

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"Je m'enivre d'été et de lumière. J'aimerais manger le ciel par poignées entières." (Page 130)

 

77654.jpg"Nos souvenirs sont aussi mouvants qu'un tas de neige poudreuse en plein vent. Aussi trompeurs qu'une assemblée de fantômes s'interrompant les uns les autres. Seule demeure en moi la certitude que ma réalité n'est pas celle d'autrui. Partager un souvenir, c'est risquer d'entacher ma mémoire des faits. [...] Comme la fine pellicule de glace sur l'eau d'un étang, la vérité est trop fragile pour mériter notre confiance." (Page 139)

 

"Cette fille n'a rien de commun avec moi. De la vie, elle n'a vu que les arbres. Moi, j'ai vu leurs racines tordues enlacer les pierres et les cercueils." (Page 215)

 

"Je ne dis rien. Je suis résolue à me fermer au monde. Je veux endurcir mon coeur et m'accrocher à ce qui ne m'a pas été encore volé. Je ne me laisserai pas glisser vers le néant. Je me retiendrai à ce que je suis, je le garderai contre moi, je fermerai les poings sur tout ce que j'ai vu, senti et entendu - les poèmes que j'ai composé en lessivant, en fauchant ou en cuisinant jusqu'à en avoir les paumes à vif, les sagas que je connais par coeur. Tout cela, je l'emporterai sous l'eau avec moi. Mes mots ne seront plus que des bulles d'air. Nul ne pourra les retenir. Ceux qui me regarderont verront une putain, une folle, une meurtrière, une créature qui rougit l'herbe de sang et rit à gorge déployée, la bouche pleine de terre. Ils prononceront le mot "Agnes" et verront une sorcière, une araignée prise dans sa propre toile. Ou un agneau encerclé par les corbeaux, bêlant pour appeler sa mère. Mais ils ne me verront pas, moi. Je ne serai pas là."

 

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D36.jpg"Ils disent que je dois mourir. Ils disent que j'ai volé à ces hommes leur dernier souffle et qu'ils doivent voler le mien.Comme si nous étions des bougies - je vois palpiter leurs flammes graisseuses dans l'obscurité et le mugissement du vent. Et je crois entendre des pas déchirer le silence. D'horribles pas qui viennent à moi, qui viennent pour éteindre et emporter ma pauvre vie dans un ruban de fumée grise. Je me disperserai dans l'air nocturne. Ils nous éteindront tous, un à un, jusqu'à ce qu'ils ne s'éclairent plus qu'à la lueur de leurs propres bougies. Où serai-je alors ?"

 

"Le révérend ne revient pas. L'hiver, si. L'automne s'est enfui, chassé par un vent glacé qui plaque des rafales de neige contre les murs de la ferme. L'air devient transparent, fin comme du papier. Mon souffle reste en suspens devant ma bouche tel un esprit malin. Le sol gelé disparaît sous une brume épaisse, descendue des montagnes. Les ténèbres ont pris possession du nord de l'île. Elles s'étendent sur la vallée comme un bleu sur la chair de la terre. Et le révérend ne revient toujours pas." (Page 305)

 

"- Ma mère ne laissait jamais le feu mourir dans l'âtre, confia-t-elle, les yeux rivés sur les flammes. Tant qu'une lumière brûle dans une maison, le Diable n'y entre pas ! disait-elle. Pas même aux heures les plus sombres de la nuit." (Page 323)

 

""Est-ce déjà l'été ? [...] Je devine que le temps s'est adouci, que le vent a perdu son mordant. Je ferme les yeux et j'imagine la vallée au coeur de l'été, quand les jours s'étirent en longueur, quand le soleil réchauffe les os de la terre, quand les cygnes affluent vers le lac, quand les nuages s'écartent pour révéler l'immensité du ciel : d'un bleu clair, si clair qu'on en pleurerait."

 

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9886.jpg"Pour ne pas m'effondrer, je pense à de petites choses. Le drap sur ma peau ; ma respiration - je la veux aussi profonde et aussi discrète que possible ; le courant d'air froid qui traverse le badstofa. Un courant d'air qui te traverse comme si tu n'étais pas là, comme s'il se fichait de savoir si tu es morte ou vive, puisqu'il sera encore là quand tu seras partie, tout comme le vent qui plaque l'herbe au sol se fiche de savoir si la terre est gelée ou non, puisqu'elle gèlera et dégèlera encore. Bientôt tes os, que réchauffent ton sang et ta moelle épinière, seront secs et cassants ; ils s'effriteront, ils gèleront et dégèleront sous le poids de la terre accumulée sur ta tombe, les dernières gouttes d'eau de ton corps seront aspirés par les brins d'herbe qui poussent à la surface. Puis viendra le vent qui couchera l'herbe et te plaquera contre les rochers, t'arrachera au sol de ses ongles acérés et t'emportera, en hurlant, vers la mer dans un grand tourbillon de neige." (Pages 377-378)

 

"Les lieux désertés par les hommes peuvent être aussi cruels que la hache du bourreau."

 

" Tu te perdras. Pour toi, ni dernière demeure ni funérailles. Rien qu'une interminable errance, un voyage avorté qui te mène partout et nulle part sans jamais te montrer le chemin du retour, car il n'y a pas de retour - nulle demeure, rien que cette île glacée et tes restes obscurs dispersés à sa surface jusqu'à ce que tu épouses le vent et sa solitude. Tu ne rentreras pas chez toi, tu es appelée à disparaître, le silence te réclamera, il engloutira ta vie sous ses eaux noires, il fabriquera des étoiles qui pourraient se souvenir de toi, mais si c'est le cas, elles ne diront rien. Elles ne diront rien, je le sais, et si personne ne prononce plus ton nom, on t'oubliera. Je sombre déjà dans l'oubli." (Page 380)

 

monavis753.jpg

 


 

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commentaires
L
Les extraits sont vraiment magnifiques !! Merci MyaRosa, ton billet file dans ma page de vos billets les plus tentateurs ;0)
Répondre
M
<br /> <br /> Oh chouette ! C'est un roman qui me tient à coeur.<br /> <br /> <br /> <br />

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